Dieu dans le stade :
Réflexion d’un journaliste sportif
23° Emission : Samedi 03 Mars 2001
En effet il s’est rendu compte que beaucoup de journalistes sportifs utilisaient le langage de la Bible souvent sans s’en rendre compte … Il y a 2000 ans dans sa lettre aux Corinthiens, Saint Paul disait : Ne savez-vous pas que dans les courses du stade, tous courent, mais un seul remporte le prix. Courez donc de manière à le remporter … dans plusieurs lettres, il utilise le langage des jeux du stade pour faire comprendre son message de Bonne Nouvelle, il s’inculture … Plusieurs siècles plus tard c’est l’inverse qui se produit ! Nous sommes dans une culture judéo-chrétienne, n’en déplaise à certain, et de nombreux faits, gestes, vocabulaire chrétiens sont rentrés dans le langage quotidien sans poser question à personne …
Paul Bonnetain a d’abord recherché dans les journaux les nombreuses références au langage chrétien, c’est surtout dans les titres que l’on retrouve la présence spectaculaire du vocabulaire biblique : du miracle au calvaire, des prophètes, Messie au martyr, crucifié, de la foi, credo à la passion, du paradis à l’enfer … on retrouve de nombreux sauveur, et l’on oublie pas de prier les saints … un langage qui donne souvent beaucoup de force à un article
Notre journaliste a aussi repéré les articles utilisant un vocabulaire religieux, théologique et ecclésial, j’aimerai vous citer un article de Jean-François Agogué, exemplaire par le pourcentage de mot utilisé et où même un prêtre lors de son homélie aurait du mal à battre le record …
Cet article concerne le tournoi international de judo de la ville de Paris en 1973 ( qui depuis est devenu le plus grand tournoi du monde ) entre les Japonais régnant en maîtres absolu et les européens : Le vieux stade de Coubertin sera transformé en une flamboyante cathédrale. Les pèlerins vont se précipiter dès 13h30 vers la Mecque du Judo. La messe qui y sera célébrée en grande pompe mérite des chœurs bien nourris mais aussi un recueillement digne des missionnaires qui ont accepté de venir prêcher la bonne parole à Paris. Ils viendront d’un peu partout, les 76 apôtres choisis pour célébrer la sainte Angèle en ce jour sacré du 27 Janvier. De très loin même puisque cinq pères blancs de couleur jaune représenteront le Japon, berceau de la religion judaïque. Nul doute que Minami, Kuramoto, Sonodz ( il avait reçu la tiare en 1969 à Mexico ), Uwaguchi et Ninomiya, hauts dignitaires du sacré-collège nippon, n’apportent à ce conclave mondial leur inestimable compétence. Arrivés hier, les Japonais sont en séminaire à l’hôtel Ambassade et méditeront chaque soir en l’église du Dojo central, rue du Faubourg Saint Denis. On murmure pourtant que les Européens sont prêts à apporter la contestation ce qui promet aux fidèles des vêpres exceptionnelles. Une précaution pourtant si vous voulez obtenir samedi un prie-dieu. Munissez-vous d’un précieux viatique, un billet si vous préférez. Il vous en coûtera entre 1( et 45 francs. Cette quête est effectuée au profit des bonnes œuvres de la FFJDA …
Une prose très recherchée à faire pâlir notre cher Saint Paul, mais un article qui 30 ans après serait impossible à écrire car qui dans notre société sait ce qu’est un conclave, une tiare, un viatique … Mais comme nous le verrons la semaine prochaine de nombreux mots sont rentrés dans le langage courant et ont pour beaucoup perdu de leur sens premier … Notre journaliste a été surpris lorsqu’il a interviewé de nombreux collègues, que la plupart ne s’étaient pas rendu compte que le langage religieux était très souvent employé et même ne se rendaient pas compte qu’eux mêmes utilisaient ce langage, notre ami étant obliger de leur donner des exemples, de citer des mots pour leur faire pointer cet usage inconscient du religieux …
Je vous invite maintenant à écouter les commentaires de certains journalistes qui utilisent sciemment ce langage théologique en raison souvent de l’aspect pratique qu’il représente : vivant et imagé … et nous verrons que l’ambiance d’un stade ne football n’est pas si éloigné de la fête d’un rassemblement comme les Journées Mondiales de la Jeunesse … Où l’on se souvient que l’organisation des JMJ à Paris en 1997 a servi de base pour les organisateurs de la Coupe du Monde de Football organisé l’année suivante !
Jacques Carducci, rédacteur en chef à L’Equipe, ancien scout et enfant de chœur, remarque un retour aux sources religieuses des champions avec notamment Yannick Noah, André Agassi, Mickael Chang … Pour certains une foi sincère qui les portent, pour d’autres une foi superstitieuse qui est plus de l’ordre du Dieu protège moi, permet moi de gagner que de Dieu aide moi à jouer le mieux possible où être un exemple de sportivité … Un phénomène normal quand on est en difficulté, on se souvient qu’il y a une religion, qu’il y a quelqu’un au dessus et on y fait appel ! Pour lui le langage religieux dans les articles est moins perceptible car son éducation a fait que ce vocabulaire ne l’étonne jamais vraiment, mais il l’explique par le fait que cela peut inviter à passer au rêve, à l’imagination … et donc la presse sportive doit dépasser le vocabulaire strictement relatif au sport pour être compréhensible par la majorité ce qui donne maintenant des titres un peu moins torturés … grâce à Dieu.
Robert Pariente, ancien responsable de L’Equipe et auteur de nombreux livres sur le sport, fait une analyse plus poussée en affirmant que c’est une habitude des journalistes profondément ancrée depuis des décennies dont on trouve des traces dans les journaux d’avant guerre, il explique cela par le fait qu’il n’y a pas si longtemps le sport était considéré comme une activité mineure réservée à des sous-intellectuels, et une volonté de sacraliser le sport, lui donner une dimension, un moyen de pression intellectuelle pour accréditer le sport. Il remarque que nous sommes inévitablement influencés par les notions véhiculées par la civilisation chrétienne, plongé dans ses racines très profondes, qui permet de donner a un titre une formulation plus vive, plus forte, une formule qui fait tilt …
Serge Guidicelli, reporter à RMC, abuse de ce vocabulaire à connotation religieuse qu’il aime bien, parce qu’il est naturel … Pour lui Dieu est plus qu’un remplaçant, de nombreux sportifs font appel à lui … Il fait la différence entre beaucoup de boxeur Latino-Américains qui font le signe de croix avant le premier coup de gong où c’est plus une question de mode et des sportifs pour qui c’est plus qu’une simple superstition … mais de là à croire que Dieu intervient dans la victoire du sportif il y a un grand pas ! Des champions affirment que leur victoire est le résultat d’une aide divine, interpeller Dieu stimule certainement des champions, mais de là à ce que seul les croyants pourraient remporter la victoire … Et de conclure que ce vocabulaire utilisé dans le quotidien est devenu une mode en sport car il permet de traduire une idée, de la résumer clairement et rapidement ...
Paul Bonnetain conclue son étude en retenant 6 points marquants :
Le premier fut la surprise des journalistes eux-mêmes devant l’utilisation du langage religieux …
Le deuxième c’est que les journalistes utilisent ce langage par aspect pratique .
Le troisième est qu’un discours est enrichi par un autre et que le journal de l’exploit sportif a besoin de la chronique religieuse …
Le quatrième est qu’il y a une cohérence entre le comportement du public dans un stade et le vocabulaire utilisé par les commentateurs des différents médias …
Le cinquième est que souvent le langage religieux est souvent excessif …
Et le dernier point pour terminer avec une question à savoir si ce vocabulaire ne véhicule pas une dimension éthique, réintroduire dans le sport tout un système de valeurs . Education du courage, de l’épreuve, de la confrontation, de l’endurance et de l’honneur ?
La semaine prochaine je vous inviterai à prier avec la chanson de notre générique … Bon week-end à tous et à la semaine prochaine !