JOURNEES DIOCESAINES DE
LA JEUNESSE
Avril 2014
Rassemblement dans chaque
diocèse des jeunes
de 16-30 ans ...
MESSAGE DU SAINT-PÈRE
AUX JEUNES DU MONDE À L'OCCASION DE LA XXIXe JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE
« Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt 5, 3)
Bien chers jeunes,
L’extraordinaire rencontre que nous avons vécue à Rio de Janeiro, lors
de la XXVIIIème Journée Mondiale de la Jeunesse, est encore
imprimée dans ma mémoire : une grande fête de la foi et de la
fraternité ! La population brésilienne nous a accueillis à bras
ouverts, comme la statue du Christ Rédempteur qui, du haut du Corcovado
domine la magnifique baie de Copacabana. Au bord de la mer, Jésus a
renouvelé son appel pour que chacun de nous devienne son
disciple-missionnaire, qu’il le découvre comme le trésor le plus
précieux de sa vie et partage cette richesse avec les autres, proches
et lointains, jusqu’aux extrêmes périphéries géographiques et
existentielles de notre temps.
La prochaine étape du pèlerinage intercontinental des jeunes sera à
Cracovie, en 2016. Pour rythmer notre marche, j’aimerais, durant les
trois années qui viennent, réfléchir avec vous sur les Béatitudes
évangéliques que nous pouvons lire dans l’Évangile selon saint Matthieu
(5, 1-12). Cette année nous commencerons par méditer la première : «
Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux est à eux » (Mt
5, 3) ; pour 2015 je propose « Heureux les cœurs purs, car ils verront
Dieu » (Mt 5, 8) ; et enfin, en 2016, le thème sera « Heureux les
miséricordieux, car ils obtiendront miséricorde » (Mt 5, 7).
1. La force révolutionnaire des Béatitudes
Cela fait toujours du bien de lire et de méditer les Béatitudes ! Jésus
les a proclamées au cours de sa première grande prédication, au bord du
lac de Galilée. Il y avait une grande foule et il est monté sur la
colline, pour instruire ses disciples, c’est pourquoi cette prédication
est appelée “le discours sur la montagne”. Dans la Bible, la montagne
est perçue comme le lieu où Dieu se révèle, et Jésus en prêchant sur la
colline se présente comme le maître divin, comme le nouveau Moïse. Et
que révèle-t-il ? Jésus révèle le chemin de la vie, ce chemin qu’il
parcourt lui-même, plus encore, qu’il est lui-même, et il le propose
comme le chemin du vrai bonheur. Pendant toute sa vie, de sa naissance
dans la grotte de Bethléem jusqu’à sa mort sur la croix et sa
résurrection, Jésus a incarné les Béatitudes. Toutes les promesses du
Royaume de Dieu se sont accomplies en lui.
En proclamant les Béatitudes Jésus nous invite à le suivre, à parcourir
avec lui la voie de l’amour, la seule qui conduise à la vie éternelle.
Ce n’est pas une route facile, mais le Seigneur nous assure de sa grâce
et il ne nous laisse jamais seuls. La pauvreté, les afflictions, les
humiliations, les luttes pour la justice, les fatigues de la conversion
quotidienne, les combats pour vivre l’appel à la sainteté, les
persécutions et bien d’autres défis sont présents dans notre vie. Mais
si nous ouvrons la porte au Christ, si nous le laissons entrer dans
notre histoire, si nous partageons avec lui nos joies et nos
souffrances, nous ferons l’expérience d’une paix et d’une joie que seul
Dieu, amour infini, peut nous donner.
Les Béatitudes de Jésus sont porteuses d’une nouveauté révolutionnaire,
d’un modèle de bonheur contraire à celui qui nous est communiqué
habituellement par les médias, par la pensée dominante. Pour la
mentalité du monde, c’est un scandale que Dieu soit venu se faire l’un
d’entre nous, qu’il soit mort sur une croix ! Dans cette logique
mondaine, ceux que Jésus proclame bienheureux sont considérés comme
“perdants”, faibles. Au contraire le succès à tout prix, le bien être,
l’arrogance du pouvoir, l’affirmation de soi au dépens des autres, sont
exaltés.
Jésus nous interpelle, chers jeunes, pour que nous répondions à son
offre de vie, pour que nous décidions quelle voie nous voulons
parcourir pour arriver à la vraie joie. Il s’agit d’un grand défi pour
la foi. Jésus n’a pas eu peur de demander à ses disciples s’ils
voulaient vraiment le suivre ou s’ils préféraient s’en aller par
d’autres chemins (cf. Jn 6, 67). Et Simon surnommé Pierre a eu le
courage de répondre : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles
de la vie éternelle » (Jn 6, 68). Si vous aussi savez dire “oui” à
Jésus, votre vie de jeune se remplira de sens, et ainsi, elle sera
féconde.
2. Le courage du bonheur
Mais que signifie au juste le mot “bienheureux” (en grec makarioi) ?
Cela veut dire vraiment heureux. Alors, dites-moi : aspirez-vous
vraiment au bonheur ? À une époque où l’on est attiré par tant
d’apparences de bonheurs, on risque de se contenter de peu, ou d’avoir
une idée de la vie “en miniature”. Au contraire, aspirez à de grandes
choses ! Élargissez vos cœurs ! Comme disait le bienheureux Pier
Giorgio Frassati, « vivre sans foi, sans patrimoine à défendre, sans
soutenir une lutte continue pour la vérité, ce n’est pas vivre mais
vivoter. Nous ne devons jamais vivoter, mais vivre » (Lettre à I.
Bonini, 27 février 1925). Le jour de la Béatification de Pier Giorgio
Frassati, le 20 mai 1990, Jean-Paul II l’a appelé “l’homme des
Béatitudes” (Homélie de la Messe : AAS 82 [1990], 1518).
Si vraiment vous laissez émerger les aspirations les plus profondes de
votre cœur, vous vous rendrez compte qu’il y a une soif inextinguible
de bonheur en vous, et c’est cela qui vous permettra de distinguer et
de refuser les nombreuses offres “à bon prix” que vous rencontrez
autour de vous. Quand nous recherchons le succès, le plaisir, la
possession égoïste et que nous en faisons des idoles, nous pouvons,
certes, expérimenter des moments d’ivresse, une fausse impression de
satisfaction ; mais à la fin nous devenons esclaves, nous ne sommes
jamais satisfaits, nous sommes poussés à vouloir toujours plus. Et
c’est vraiment triste de voir une jeunesse “repue”, mais molle.
Saint Jean écrivait aux jeunes en leur disant : « vous êtes forts, la
parole de Dieu demeure en vous et vous avez vaincu le Mauvais » (1 Jn
2, 14). Les jeunes qui choisissent le Christ sont forts, ils se
nourrissent de sa Parole et ils ne “se goinfrent” pas d’autres choses !
Ayez le courage d’aller à contre-courant. Ayez le courage du vrai
bonheur ! Dites non à la culture du provisoire, de la superficialité et
du rejet, qui ne vous estime pas capables d’assumer des responsabilités
et d’affronter les grands défis de la vie !
3. Heureux les pauvres de cœur…
La première Béatitude, le thème de la prochaine Journée Mondiale de la
Jeunesse, déclare bienheureux les pauvres de cœur, parce que le Royaume
des Cieux leur appartient. En des temps où de nombreuses personnes
souffrent à cause de la crise économique, associer la pauvreté et le
bonheur peut sembler un contre sens. Comment pouvons-nous concevoir la
pauvreté comme une bénédiction ?
Essayons d’abord de comprendre ce que signifie “pauvres de cœur”. Quand
le Fils de Dieu s’est fait homme, il a choisi la voie de la pauvreté,
du dépouillement. Comme le dit saint Paul dans la Lettre aux
Philippiens : « Ayez entre vous les mêmes sentiments qui sont dans le
Christ Jésus : Lui, de condition divine, ne retint pas jalousement le
rang qui l’égalait à Dieu. Mais il s’anéantit lui-même, prenant
condition d’esclave, et devenant semblable aux hommes ». (2, 5-7).
Jésus est Dieu qui se dépouille de sa gloire. Nous voyons ici le choix
de la pauvreté de Dieu : de riche qu’il était, il s’est fait pauvre
pour nous enrichir par sa pauvreté (cf. 2 Cor 8, 9). C’est le mystère
que nous contemplons dans la crèche, en voyant le Fils de Dieu dans une
mangeoire ; puis sur la croix, où le dépouillement arrive à son comble.
L’adjectif grec ptochós (pauvre) n’a pas seulement une signification
matérielle, mais veut dire “mendiant”. Il est relié au concept juif
d’anawim, les “pauvres du Seigneur”, qui évoque humilité, conscience de
ses propres limites, de sa propre condition existentielle de pauvreté.
Les anawim se fient au Seigneur, ils savent qu’ils dépendent de Lui.
Comme a bien su le voir sainte Thérèse de l’Enfant Jésus, dans son
Incarnation Jésus se présente comme un mendiant, un nécessiteux en
quête d’amour. Le Catéchisme de l’Église Catholique parle de l’homme
comme d’un “mendiant de Dieu” (n. 2559) et il nous dit que la prière
est la rencontre de la soif de Dieu avec notre soif (n. 2560).
Saint François d’Assise a très bien compris le secret de la Béatitude
des pauvres de cœur. En effet, quand Jésus lui parla en la personne du
lépreux et du Crucifié, il reconnut la grandeur de Dieu et l’humilité
de sa propre condition. Dans sa prière le Poverello passait des heures
à demander au Seigneur : « Qui es-tu ? Qui suis-je ? ». Il se dépouilla
d’une vie aisée et insouciante pour épouser “Dame Pauvreté”, pour
imiter Jésus et suivre l’Évangile à la lettre. François a vécu
l’imitation du Christ pauvre et l’amour pour les pauvres de façon
indissociable, comme les deux faces d’une même médaille.
Vous pourrez donc me demander : comme pouvons-nous concrètement
transformer cette pauvreté de cœur en un style de vie qui influence
réellement notre existence ? Je vous réponds en trois points.
Essayez avant tout d’être libres en face des choses. Le Seigneur nous
appelle à un style de vie évangélique caractérisé par la sobriété, à ne
pas céder à la culture de la consommation. Il faut rechercher ce qui
est essentiel, apprendre à se dépouiller des mille choses superflues et
inutiles qui nous étouffent. Détachons-nous du désir de posséder ; ne
faisons pas de l’argent une idole, pour ensuite le gaspiller. Mettons
Jésus à la première place. Lui peut nous libérer de l’idolâtrie qui
nous rend esclaves. Chers jeunes, ayez confiance en Dieu ! Il nous
connaît, il nous aime et ne nous oublie jamais. De même qu’il prend
soin du lys des champs (cf. Mt 6, 28), il ne nous laissera manquer de
rien ! Pour vaincre la crise économique, il faut aussi être prêt à
changer de style de vie, et à éviter les nombreux gaspillages. De même
qu’il est nécessaire d’avoir le courage du bonheur, il faut avoir aussi
le courage de la sobriété.
Deuxièmement, pour vivre cette Béatitude nous avons tous besoin d’une
conversion en ce qui concerne les pauvres. Nous devons prendre soin
d’eux, être sensibles envers leurs nécessités spirituelles et
matérielles. À vous les jeunes, je confie d’une façon particulière la
tâche de remettre la solidarité au centre de la culture humaine. Face
aux anciennes et aux nouvelles formes de pauvreté – le chômage,
l’émigration, les dépendances en tout genre –, nous avons le devoir
d’être attentifs et vigilants, et de vaincre la tentation de
l’indifférence. Pensons aussi à ceux qui ne se sentent pas aimés, qui
n’ont pas d’espoir pour l’avenir, qui renoncent à s’engager dans la vie
parce qu’ils sont découragés, déçus, craintifs. Nous devons apprendre à
rester avec les pauvres. N’ayons pas la bouche pleine de belles paroles
sur les pauvres ! Rencontrons-les, regardons-les dans les yeux,
écoutons-les. Les pauvres sont pour nous une occasion concrète de
rencontrer le Christ lui-même, de toucher sa chair souffrante.
Mais – et voici le troisième point – les pauvres ne sont pas seulement
des personnes à qui nous pouvons donner quelque chose. Eux aussi ont
beaucoup à nous offrir et à nous apprendre. Nous avons tant à apprendre
de la sagesse des pauvres ! Pensez qu’un saint du XVIIIème siècle,
Benoît Joseph Labre, qui dormait dans les rues de Rome et vivait des
dons faits par les gens, était devenu le conseiller spirituel d’un
grand nombre de personnes, parmi lesquelles même des nobles et des
prélats. D’une certaine façon, les pauvres sont comme des maîtres pour
nous. Ils nous montrent qu’une personne ne vaut pas tant par ce qu’elle
possède ou par ce qu’elle a sur son compte en banque. Un pauvre, une
personne privée de biens matériels, conserve toujours sa dignité. Les
pauvres peuvent nous en apprendre beaucoup aussi sur l’humilité et la
confiance en Dieu. Dans la parabole du pharisien et du publicain (Lc
18, 9-14), Jésus présente ce dernier comme un modèle parce qu’il est
humble et se reconnaît pécheur. De même la veuve qui jette deux petites
pièces dans le trésor du temple est un exemple de la générosité de
celui qui n’ayant pratiquement rien, donne tout (Lc 21,1-4).
4. … parce que le Royaume des Cieux est à eux
Le thème central de l’Évangile de Jésus est le Royaume de Dieu. Jésus
est le Royaume de Dieu en personne, il est l’Emmanuel, Dieu-avec-nous.
C’est dans le cœur de l’homme que s’installe le Royaume de Dieu et que
son règne avance. Le Royaume est à la fois un don et une promesse. Il
nous est déjà donné en Jésus, mais il doit encore s’accomplir en
plénitude. C’est pourquoi nous prions le Père chaque jour : « Que ton
règne vienne ».
Il existe un lien profond entre pauvreté et évangélisation, entre le
thème de la dernière Journée Mondiale de la Jeunesse – « Allez donc, de
toutes les nations faites des disciples » (Mt 28, 19) – et celui de
cette année : « Heureux les pauvres de cœur, car le Royaume des Cieux
est à eux » (Mt 5, 3). Le Seigneur désire une Église pauvre et qui
évangélise les pauvres. Quand il envoya les Douze en mission, Jésus
leur dit : « Ne vous procurez ni or, ni argent, ni menue monnaie pour
vos ceintures, ni besace pour la route, ni deux tuniques, ni sandales,
ni bâton : car l’ouvrier mérite sa nourriture » (Mt 10, 9-10). La
pauvreté évangélique est la condition fondamentale pour que le Royaume
de Dieu s’étende. Les joies les plus belles et spontanées que j’ai vues
au cours de ma vie sont celles de personnes pauvres et qui ont peu de
choses à quoi tenir. L’évangélisation de notre temps sera possible
seulement à travers la contagion de la joie.
Comme nous l’avons vu, la Béatitude des pauvres de cœur oriente notre
rapport avec Dieu, avec les biens matériels et avec les pauvres. Face à
l’exemple et aux paroles de Jésus, nous sentons combien notre
conversion est nécessaire, afin que la logique de l’être plus l’emporte
sur celle de l’avoir plus ! Les saints peuvent vraiment nous aider à
comprendre le sens profond des Béatitudes. La canonisation de Jean-Paul
II le deuxième dimanche de Pâques, est en ce sens un événement qui
remplit notre cœur de joie. Ce sera lui le grand patron des JMJ, dont
il a été l’initiateur et le leader. Et il restera pour vous tous, dans
la communion des saints, un père et un ami.
Au mois d’avril prochain nous fêterons également le trentième
anniversaire de la remise aux jeunes de la Croix du Jubilé de la
Rédemption. C’est justement à partir de cet acte symbolique de
Jean-Paul II que commença le grand pèlerinage des jeunes qui, depuis
lors, continue de traverser les cinq continents. Beaucoup se
souviennent des paroles avec lesquelles, le dimanche de Pâques 1984, le
Pape accompagna son geste : « Très chers jeunes, au terme de cette
Année Sainte, je vous confie le signe même de cette année jubilaire :
la Croix du Christ ! Apportez-la au monde comme signe de notre Seigneur
Jésus-Christ pour l'humanité, et annoncez à tous que le Salut et la
Rédemption ne se trouvent que dans le Christ, mort et ressuscité ».
Chers jeunes, le Magnificat, le cantique de Marie, pauvre de cœur, est
aussi le chant de quiconque vit les Béatitudes. La joie de l’Évangile
jaillit d’un cœur pauvre, qui sait exulter et s’émerveiller pour les
œuvres de Dieu, comme le cœur de la Vierge, que toutes les générations
appellent “bienheureuse” (cf. Lc 1, 48). Mère des pauvres, Étoile de la
nouvelle évangélisation, qu’Elle nous aide à vivre l’Évangile, à
incarner les Béatitudes dans notre vie, et à avoir le courage du
bonheur.
Du Vatican, le 21 janvier 2014, mémoire de sainte Agnès, vierge et martyre.
BENOIT XVI
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