JOURNEES DIOCESAINES DE
LA JEUNESSE
31 Mars 1996
Rassemblement dans chaque
diocèse des jeunes
de 18-35 ans ...
MESSAGE DU SAINT-PÈRE
AUX JEUNES DU MONDE À L'OCCASION DE LA XIe JOURNÉE MONDIALE DE LA JEUNESSE
“ Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle " (Jn 6,68)
Très chers jeunes!
Nous sommes en chemin vers le Grand Jubilé de l’an 2000
l. «J’ai un vif désir de vous voir, afin de vous communiquer quelque
don spirituel, pour vous affermir, ou plutôt éprouver le réconfort
parmi vous de notre foi commune à vous et à moi» (Rm 1,11-12).
Ces mots de Paul aux chrétiens de Rome résument les sentiments avec
lesquels je m’adresse à vous tous, en commençant l’itinéraire de
préparation à la XIème Journée Mondiale de la Jeunesse.
C’est en effet avec le même désir de vous rencontrer que je viens à
vous, en chaque lieu de la planète où vous affrontez l’intense et
quotidienne aventure de la vie: dans vos familles, dans vos lieux de
travail, dans les communautés où vous vous réunissez pour écouter la
Parole du Seigneur et Lui ouvrir votre coeur dans la prière.
Mon regard se tourne en particulier vers les jeunes directement
impliqués dans les drames trop nombreux qui meurtrissent l’humanité:
ceux qui souffrent de la guerre, des violences, de la faim et de la
misère; ils prolongent les souffrances du Christ, qui par sa passion se
fait proche de tout homme opprimé par le poids de la souffrance et de
l’injustice.
La Journée Mondiale de la Jeunesse, suivant la coutume désormais
établie, se déroulera en 1996 au sein des communautés diocésaines, dans
l’attente de la prochaine rencontre mondiale qui nous rassemblera en
1997 à Paris.
2. Nous sommes désormais en chemin vers le Grand Jubilé de l’an 2000,
un rendez-vous que j’ai invité toute l’Église à préparer dans la Lettre
Apostolique Tertio millennio adveniente, au moyen de la conversion du
coeur et de la vie. À vous aussi je demande d’entreprendre dès
maintenant cette préparation dans le même esprit, et par les mêmes
propositions. Je vous confie ce projet d’action qui, fondé sur les
paroles de l’Évangile et correspondant aux thèmes proposés chaque année
à toute l’Église, constituera le fil conducteur des prochaines Journées
Mondiales:
Année 1997: «Maître, où demeures-tu? Venez et voyez» (Jn 1,38-39)
Année 1998: «L’Esprit Saint vous enseignera toute chose» (Lc 14,26)
Année 1999: «Le Père vous aime» (Jn 16,27)
Année 2000: «Le Verbe s’est fait chair et il a habité parmi nous» (Lc 1,14)
Je voudrais vous confier à nouveau la Gaudium et spes
3. C’est à vous en particulier, chers jeunes, que j’adresse l’appel à
porter le regard vers la date charnière de l’an 2000, en rappelant que
«l’avenir du monde et de l’Église appartient aux jeunes générations
qui, nées au cours de ce siècle, arriveront à leur maturité au cours du
prochain, le premier du nouveau millénaire. Si (les jeunes) savent
suivre le chemin que le Christ leur montre, ils auront la joie
d’apporter leur contribution à sa présence dans le prochain siècle»
(Tertio millennio adveniente, 58). Sur le chemin qui vous conduira
jusqu’au Grand Jubilé, que la Constitution conciliaire Gaudium et spes
vous accompagne. Je désire à nouveau vous la remettre à tous, comme je
l’ai déjà fait aux jeunes du continent européen à Lorette, en septembre
dernier: c’est un «document précieux et toujours jeune. Vous y
trouverez la lumière pour décrypter votre vocation d’hommes et de
femmes appelés à vivre, en cette époque à la fois merveilleuse et
dramatique, comme des artisans de fraternité et des bâtisseurs de paix»
(Angélus du 10 septembre 1995).
Vivre insérés dans l’histoire
4. «Seigneur, à qui irions-nous?». Le moyen et la finalité de notre
vie, c’est Lui, le Christ, qui nous attend – à la fois chacun en
particulier et tous ensemble – pour nous conduire au-delà des limites
du temps, dans la tendresse éternelle du Dieu qui nous aime. Si
l’éternité est notre horizon d’hommes affamés de Vérité et assoiffés de
bonheur, c’est cependant l’histoire qui est le théâtre de notre devoir
quotidien. La foi nous enseigne que le destin de l’homme est inscrit
dans le coeur et dans l’esprit de Dieu, qui règne sur les vicissitudes
de l’histoire. Elle nous enseigne de même que le Père nous confie le
devoir de participer dès ici- bas à l’édification de ce «Règne des
cieux» que le Fils est venu annoncer, et qui trouvera son plein
accomplissement à la fin des temps. Il est donc de notre devoir de
vivre insérés dans l’histoire, aux côtés de nos contemporains, en
partageant leurs joies et leurs espoirs, car le chrétien est, et doit
être pleinement homme de son temps. Il ne s’évade pas dans une autre
dimension, ignorant les drames de son époque, fermant les yeux et le
coeur aux angoisses qui jalonnent l’existence. Au contraire, il est
celui qui, bien que n’étant pas «de» ce monde, est immergé «dans» ce
monde chaque jour, prêt à accourir en tout lieu où il y a un frère à
aider, une larme à essuyer, une demande d’aide à honorer. C’est
là-dessus que nous serons jugés!
La charité est la voie maîtresse
5. Rappelons-nous l’enseignement du Maître: «J’ai eu faim et vous
m’avez donné à manger, j’ai eu soif et vous m’avez donné à boire;
j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli, nu et vous m’avez vêtu,
malade et vous m’avez visité, prisonnier et vous êtes venus me trouver»
(Mt 25,35-36); nous devons mettre en pratique le «commandement nouveau»
(Jn 13,34). Nous nous opposerons ainsi à ce qui semble aujourd’hui la
«défaite de la civilisation», pour réaffirmer avec vigueur la
«civilisation de l’amour» qui seule peut ouvrir aux hommes de notre
temps des horizons de paix authentique et de justice durable, dans la
légalité et la solidarité. La charité est la voie maîtresse qui doit
aussi nous guider vers l’objectif du Grand Jubilé. Pour atteindre ce
rendez-vous, il faut savoir se remettre en cause, en affrontant un
rigoureux examen de conscience; prémisse indispensable d’une conversion
radicale, en mesure de transformer la vie et de lui donner un sens
authentique, il rend tout croyant capable d’aimer Dieu de tout son
coeur, de toute sa force, et son prochain comme soi-même (cf. Lc
10,27). En confrontant votre existence quotidienne à l’Évangile du
Maître unique qui a les «paroles de la vie éternelle», vous serez en
mesure de devenir d’authentiques artisans de justice, dans le sillon du
commandement qui fait de l’amour la nouvelle «frontière» du témoignage
chrétien. Telle est la loi de la transformation du monde (cf. Gaudium
et spes, 38).
Prophètes de la vie
6. Il s’agit avant tout que vous, les jeunes, donniez un témoignage
vigoureux d’amour de la vie, don de Dieu; un amour qui doit s’étendre
du début à la fin de toute existence humaine, et qui doit s’opposer à
toute prétention de faire de l’homme l’arbitre de la vie de son frère,
de celui qui n’est pas né comme de celui qui est au déclin de sa vie,
du handicapé et du faible. À vous les jeunes, qui spontanément et
instinctivement faites du «vouloir vivre» l’horizon de vos rêves et
l’arc-en-ciel de votre espérance, je vous exhorte à devenir des
«prophètes de la vie». Soyez-le en paroles et en actes, en vous
rebellant contre la civilisation de l’égoïsme qui considère souvent la
personne humaine comme un instrument plutôt que comme une fin, en
sacrifiant la dignité et les sentiments au nom du simple profit;
faites-le en aidant concrètement quiconque a besoin de vous, et qui
sans votre aide pourrait être tenté de se résigner au désespoir. La vie
est un talent (cf. Mt 25,14-30) qui nous est confié pour que nous le
transformions et le multipliions, en en faisant don aux autres. Nul
homme n’est un «iceberg» à la dérive au milieu de l’océan de
l’histoire; chacun d’entre nous fait partie d’une grande famille, au
sein de laquelle il a une place à occuper et un rôle à jouer. L’égoïsme
rend sourd et muet, l’amour ouvre grand les yeux et dilate le coeur, il
suscite cette contribution originale et irremplaçable de chacun qui,
ajoutée aux mille gestes de tant de frères, souvent lointains et
inconnus, concourt à constituer la mosaïque de la charité, capable de
modifier les saisons de l’histoire.
Appelés au courage de la décision
7. «Seigneur, à qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie
éternelle». Lorsque, estimant ses paroles trop dures, de nombreux
disciples l’abandonnèrent, Jésus demanda au petit nombre qui était
resté: «Voulez-vous partir, vous aussi?», Pierre répondit: «Seigneur, à
qui irions-nous? Tu as les paroles de la vie éternelle» (Jn 6,67-68).
Et ils choisirent de rester avec lui. Il sont restés parce que le
Maître avait «les paroles de la vie éternelle», paroles qui, tout en
promettant l’éternité, donnaient dans le même temps tout son sens à la
vie. Il y a des moments et des circonstances dans lesquels il faut
faire des choix décisifs pour toute l’existence. Nous vivons – vous le
savez – des moments difficiles, dans lesquels il est souvent ardu de
distinguer le bien du mal, les vrais des faux maîtres. Jésus nous a
avertis: «Prenez garde de vous laisser abuser, car il en viendra
beaucoup sous mon nom, qui diront “c’est moi” et “le temps est proche”:
ne les suivez pas» (Lc 21,8). Priez et écoutez sa parole; laissez-vous
guider par de vrais pasteurs; ne cédez jamais aux séductions et aux
illusions faciles du monde, qui souvent par la suite se transforment en
de tragiques désillusions. C’est dans les moment difficiles, dans les
moments d’épreuve que se mesure la qualité des choix. C’est donc en
cette période pas facile que chacun de vous sera appelé au courage de
la décision. Il n’existe pas de raccourcis vers le bonheur et la
lumière. Il suffit de constater les tourments de ceux qui, au long de
l’histoire de l’humanité, se sont essayés à une fastidieuse recherche
du sens de l’existence, à des réponses aux questions fondamentales
inscrites dans le coeur de tout être humain. Vous savez que ces
interrogations ne sont rien d’autre que l’expression de la nostalgie
d’infini semée par Dieu lui-même en chacun de nous. C’est donc avec un
sens du devoir et du sacrifice que vous devez cheminer sur les routes
de la conversion, de l’engagement, de la recherche, du travail, du
volontariat, du dialogue, du respect envers tous, sans capituler devant
les échecs, mais en sachant bien que votre force est dans le Seigneur,
qui guide vos pas avec amour, prêt à vous accueillir comme le fils
prodigue (cf. Lc 15,11-24).
Prophètes de la joie
8. Chers jeunes, je vous ai invités à être «prophètes de la vie et de
l’amour». Je vous demande d’être également des «prophètes de la joie»:
le monde doit nous reconnaître au fait que nous savons communiquer à
nos contemporains le signe d’une grande espérance déjà accomplie, celle
de Jésus, mort et ressuscité pour nous. N’oubliez pas que «l’avenir de
l’humanité est entre les mains de ceux qui auront su donner aux
générations de demain des raisons de vivre et d’espérer» (Gaudium et
spes, 31). En étant purifiés par la réconciliation, fruit de l’amour
divin et de votre repentir sincère, en oeuvrant pour la justice, en
vivant dans l’action de grâce à Dieu, vous pourrez être crédibles, et
d’efficaces prophètes de la joie dans ce monde, si souvent sombre et
triste. Vous serez des annonciateurs de la «plénitude des temps», dont
le Grand Jubilé de l’an 2000 rappelle l’actualité. La route que Jésus
vous montre n’est pas facile; elle ressemble plutôt à un sentier qui
gravit une montagne. N’y perdez pas courage! Plus le chemin est
escarpé, plus il conduit rapidement vers des horizons toujours plus
vastes. Que Marie, Étoile de l’évangélisation, vous guide! En étant
comme elle dociles à la volonté du Père, vous parcourrez les étapes de
l’histoire en témoins mûrs et convaincants. Avec Elle, et avec les
Apôtres, sachez répéter à tout instant la profession de foi en la
présence vivifiante de Jésus-Christ: «Tu as les paroles de la vie
éternelle!».
Du Vatican, le 26 novembre 1995, en la Solennité de N.S. Jésus-Christ, Roi de l’Univers.
JEAN-PAUL II
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