CLARA KASBARIAN +
La plus grande championne française du Développé Couché de tous les temps : 4 fois championne du Monde, 10 fois championne de France ( sans compter les titres qu'elle a remporté dans son ancienne association ) ... Championne du maxi mais aussi des répétitions, à faire pâlir de nombreux hommes ...
CHAMPIONNE DU MONDE OPEN IPF - 67,5 kg : 1994 1999 2001 2002
VICE-CHAMPIONNE DU MONDE OPEN IPF - 67,5 kg :
1995 1998
VICE-CHAMPIONNE DU MONDE OPEN
IPF - 60 kg : 1996
CHAMPIONNE MONDIALE OPEN WDFPF - 70 kg : 1993
VICE-CHAMPIONNE MONDIALE OPEN POWERLIFTING
WDFPF - 63 kg : 1989
VICE-CHAMPIONNE MONDIALE OPEN POWERLIFTING
WDFPF - 70 kg : 1988
CHAMPIONNE D'EUROPE OPEN EPF - 67,5 kg : 1996 2001
VICE-CHAMPIONNE D'EUROPE OPEN EPF -
60 kg : 1997
CHAMPIONNE EUROPEENNE OPEN POWERLIFTING WDFPF - 63 kg : 1989
Championne de France
Open - 60 kg FFHMFAC : 1997
Championne de France
Open - 70 kg 3F : 1993
Championne de France
Open - 67,5 kg FFHMFAC : 1993 1994 1996 1998 2000 2002
Championne de France
Open - 75 kg FFHMFAC : 1995 1999 2001
Vainqueur de la Finale France Open - 70 kg Powerlifting 3F : 1988 1989
RECORD DE FRANCE OPEN - 60 kg : 122,5 kg
RECORD DE FRANCE OPEN - 67,5 kg : 150 kg
RECORD DE FRANCE OPEN - 75
kg : 155 kg
110 reps à 30 kg ( 1977 ), 80 reps à 50 kg ( 1995 )
28 reps à 80 kg ( 1996 ), 20 reps à 100 kg ( 1996 )
INTERVIEW
réalisée
par Emmanuel Legeard ( www.emmanuel-legeard.com ), pour la revue Le Monde du Muscle
EL :
Personnellement, je distingue deux catégories de champions : les
champions-nés et les champions fabriqués. Chez les premiers, c'est le
mental - et non les produits - qui tire du potentiel génétique le
meilleur parti possible, car être un champion ou une championne née, ça
implique d'abord l'usage de facultés telles que la volonté et le goût
de l'effort. Toi, tu es une championne-née, avec un énorme potentiel,
certes, mais surtout une capacité d'obstination dans l'effort qu'on ne
rencontre que rarement ! Tes performances en ont très tôt témoigné.
Quand as-tu réalisé que tu étais forte ?
CK : C'est mon père qui, par son exigence, m'a
révélée à moi-même. J'avais 18 ans quand il a décidé de me faire
enregistrer mon premier record. A l'époque, on faisait surtout des
records de couché culturiste en force-endurance à la moitié du poids de
corps. J'ai réalisé 110 reps à 30 kg. C'était en 1977.
EL : Je crois, d'ailleurs, qu'au sortir de
l'adolescence, tu t'es arrêtée pendant un certain temps. Pourquoi ?
CK : Tu sais, d'un point de vue strictement
psychologique, je ne suis pas différente des autres femmes. A 18 ans,
je suis tombée amoureuse et je suis partie de chez moi. Je me suis
arrêtée dix ans, le temps d'élever mes enfants.
EL : Quand es-tu revenue à la force athlétique ?
CK : C'était en 1987. L'année suivante, après
quelques mois de préparation, je gagnais les Championnats de France de
force athlétique où je faisais 150+120+175=445, et je me suis classée
vice-championne à Monde. En 1989, je décrochais mon premier titre de
championne d'Europe. Malheureusement, en 1989, à Chicago, je me suis
blessée au terre. Je me suis arrêtée jusqu'en 1992. C'est là que mon
père m'a emmenée au Salon du Body. J'y ai rencontré pas mal d'athlètes,
et ça m'a relancée. Mais je n'ai plus refait de 3 mouvements qu'en
2001-2002, afin de marquer des points en vue du BE.
EL : Tu m'as parlé de féminité, et c'est vrai,
comme me l'avait dit Jean Villenave, qui te considérait un peu comme sa
protégée, que tu ne te contentais pas de soulever plus lourd que la
plupart des hommes. Encore es-tu plus féminine que la plupart des
femmes. Qu'est-ce que ça change, fondamentalement, d'être une lifteuse
parmi les lifteurs ?
CK : D'abord, on doit tenir compte d'un
certain nombre de paramètres dont les hommes n'ont même pas idée, comme
les règles, par exemple. Il y a aussi les maillots. Jusqu'en 1995, je
n'ai jamais porté de maillot. Mais, cette année-là, je me suis classée
deuxième pour 300gr de différence au poids de corps, derrière une fille
qui tirait en maillot. Avec le maillot, je mettais dix kilos de plus
sur la barre, et je gagnais haut la main ! Par la force des choses, on
est donc plus ou moins obligé d'enfiler un maillot, de nos jours, sinon
- comme tout le monde en porte - on est désavantagé. Mais, pour les
femmes, c'est encore plus pénible. Déjà que la plupart des hommes
étouffent, là-dedans ! Je ne sais pas si tu peux imaginer le calvaire !
EL : Qu'est-ce qui a changé dans ton entraînement, ces 10 dernières années ?
CK : Enormément de choses, même si mon père a
jeté à jamais les bases de mon entraînement, qui sont toujours fiables.
Philippe Marcellin, mon partenaire d'entraînement a adapté ma position
pour avoir une meilleure cambrure. Il m'a fait faire du négatif et du
statique, bref, j'ai enrichi mon arsenal de force d'un grand nombre de
techniques avancées qui n'ont même pas encore fait leur percée en
France.
EL : Philippe est quelqu'un de très
intelligent : bien qu'il ait le BE et qu'il te coache, il reconnaît
qu'il a plus appris de toi que l'inverse. C'est un aveu qui ne peut
venir que d'individus d'une qualité toute particulière. Surtout quand
on sait qu'il est lui-même un bencheur averti et qu'il fait 200 au
couché. Peux-tu expliquer ce qu'est le négatif ?
CK : D'abord, il faut savoir que le négatif
est une technique extrêmement éprouvante. J'en ai passé, des nuits
blanches, parfois même à pleurer, tellement j'étais percluse de
douleurs ! C'était comme si l'on m'avait passée à tabac. C'est une
technique tellement impitoyable, que je ne la pratique qu'une seule
fois dans l'année, un mois et demi à deux mois avant une compétition,
et seulement si cette compétition est à l'échelle mondiale, ou qu'il
s'agit de battre un record. Sans quoi, le jeu n'en vaut pas la
chandelle.
EL : En quoi consiste ton entraînement en négatif ?
CK : Eh ! bien, après la séance lourde, une
fois par semaine, on programme une progression sur un mois et demi à
deux mois, en faisant d'abord de la série de 5 en négatif à 100%, puis
en évoluant vers des triplés à 120% et, enfin, en faisant des " une par
une ". On fait aussi des sorties de barres, avec des charges qui vont
de 180kg à 200kg, et je fais du statique bras tendus pendant 3 bonnes
secondes.
EL : Tu m'as dit que tu avais aussi amélioré ta cambrure ?
CK : Oui, en 1996, à Novgorod. Je venais de
remporter les championnats d'Europe où j'avais fait 140kg. Mais j'avais
manqué l'essai à 145. Sur 145, je monte bien la barre, mais je finis le
mouvement de travers, et le corps vibre sur le banc. Là-dessus,
l'Entraîneur de l'équipe russe vient voir Philippe et lui dit : " Tu me
la confies pendant un an et elle fait 170 ". Philippe le pousse à
s'expliquer, et l'entraîneur finit par lui dire que ma position au banc
est mauvaise et qu'il faut l'améliorer. On est rentré et puis on a
beaucoup réfléchi sur les améliorations à apporter à ma position.
Evidemment, je ne pouvais pas devenir, du jour au lendemain, aussi
souple que ces filles de l'Est qui viennent de la gymnastique. Alors,
il a fallu trouver un compromis. Mon père avait commencé à me faire
travailler avec un rondin sous les lombaires, et Philippe m'a aidée à
trouver une position plus tonique et plus stable en gardant le fessier
contracté au lieu qu'il soit à plat. L'impulsion a tout de suite été
meilleure.
EL : Tu t'échauffes beaucoup ?
CK : Je m'échauffais trop. Ça aussi, Philippe
m'a aidée à l'améliorer. Mais, tu vois, il ne m'a jamais poussée à
faire des trucs traumatisants. Il me garde en confiance en me répétant
à chaque fois que je n'ai rien à prouver, et les améliorations qu'il
introduit dans mon entraînement sont plus de l'ordre de la nuance
intelligente que de la révolution traumatisante. J'ai eu beaucoup de
chance d'avoir mon père et Philippe, parce qu'un mauvais entraîneur, ça
te casse un athlète en deux temps, trois mouvements. Mais, encore
aujourd'hui, je m'échauffe toujours plus que les autres athlètes.
EL : D'où te vient cette frénésie de reps à l'échauffement ?
CK : Tu sais, j'ai toujours eu beaucoup de
facilité à faire des reps lourdes. Avec Philippe, on a cherché le juste
milieu entre la pré-fatigue et l'échauffement pour obtenir le meilleur
rendement possible. Tu vois, avant, quand j'arrivais aux championnats
du Monde, je faisais 10x100 et 130 sans maillot pour une barre de
départ à 140. C'était trop. On s'est concerté, mon père, Philippe et
moi, et, finalement, en 1999, j'avais de plus en plus de facilité à
mesure que je grimpais sur les barres : c'était la première fois que je
ressentais ça. Pousser 135 était plus facile que pousser 130 ! C'était
le signe qu'on avait bien travaillé.
EL : Tu as tout gagné. Et pourtant, il y a des
Championnats du Monde auxquels tu n'as pas participé, alors que tout le
monde te donnait gagnante. Pourquoi ?
CK : Parce que le voyage n'était pas payé.
C'est comme ça que je ne suis pas allée en Australie, par exemple. Mais
aujourd'hui, les autorités de l'IPF font très bien leur boulot, et,
chez eux, ça n'arrive pas.
EL : Tu te déplaces toujours avec Philippe. C'est l'IPF qui finance tout ça ?
CK : Non, c'est la commune de Levallois, qui,
sous l'impulsion de Marie-Claire Restoux et Patrick Balkany, est
devenue une municipalité-modèle en matière de sport de haut niveau.
C'est Levallois qui apporte le complément financier pour que les
coaches puissent accompagner les athlètes de haut niveau, car la
fédération ne le fait pas. Il y a énormément d'athlètes de haut niveau
à avoir été attirés à Levallois par cette politique très dynamique. Je
suis née à Issy-les-Moulineaux, et pourtant je me sens vraiment "
levalloisienne ", parce qu'il n'y a jamais eu que Levallois à
reconnaître mes mérites.
EL : Levallois a baptisé la salle municipale
de musculation " Salle Clara Kasbarian ", et j'ai l'impression que
c'est un peu le rendez-vous du
Tout Paris en matière de force ?
CK : Ce qui serait bien, c'est que ça le
devienne de plus en plus. Personnellement, j'aimerais bien m'investir
dans la réussite de cette salle, mais je sors tout juste de la
compétition, et j'ai tout le temps de réorganiser toute mon existence
en fonction de nouveaux impératifs et de perspectives nouvelles.
EL : Il y a des choses que tu n'as pas faites et que tu voudrais faire, à présent ?
CK : Il y a beaucoup à rattraper. J'ai mené
trois existences de front, dont une seule serait venue à bout de
n'importe qui. Pendant 20 ans, j'ai élevé mes enfants seule, j'ai
travaillé, et j'ai battu des records. Aujourd'hui, j'ai un travail
intéressant, mes enfants sont grands et j'arrête la compétition :
l'heure est enfin venue de faire tous les voyages dont j'ai rêvés
pendant toutes ces années !
EL : Et si quelqu'un te remplace sur la plus haute marche du podium ?
CK : Mais j'en serais très heureuse ! J'espère
bien que l'histoire du couché féminin ne s'arrêtera pas à moi, ce
serait dommage. Il faut que le mouvement continue et que les jeunes
prennent la relève. Il y a une place à prendre.
EL : Est-ce qu'il y aurait quelque chose à changer, en France, du point de vue fédéral ?
CK : La fédé est très bien. Maintenant, si
l'on compare la France aux pays étrangers, c'est sûr qu'il faudrait
qu'on s'aligne, et 1°) qu'on prenne d'avantage les athlètes en charge,
2°) qu'on pratique le reclassement des athlètes de haut niveau, comme
partout ailleurs et 3°) qu'on cesse de persécuter les gens pour une
aspirine ou un diurétique ! Sinon, je trouve que l'IPF fait du bon
travail.
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