REMI PRONIER
Le Ponot, Rémi Pronier est resté invaincu pendant 5 ans au niveau national réalisant des performances exceptionnelles notamment au soulevé de terre son mouvement fétiche : 350 kg !
5° CHAMPIONNAT DU MONDE OPEN - 110 kg IPF : 1999
4° CHAMPIONNAT D'EUROPE OPEN - 110 kg EPF : 1998
5° CHAMPIONNAT D'EUROPE OPEN - 110 kg EPF : 1999 2000
VAINQUEUR DE LA COUPE DE L'UNION EUROPEENNE - 110 kg EPF : 1997
CHAMPION DE FRANCE OPEN - 110 kg FFHMFAC : 1997 1998 1999 2000
CHAMPION DE FRANCE OPEN - 100 kg FFHMFAC : 1996
3°
CHAMPIONNAT DE FRANCE OPEN - 90 kg FFHMFAC : 1995
CHAMPION DE FRANCE PAR EQUIPE FFHMFAC avec Le Puy en Velay : 1999 2000
Record Personnel
Squat - 110 kg : 340 kg
Record Personnel Benchpress - 110 kg :
207,5 kg
RECORD DE FRANCE Deadlift - 110 kg :
350 kg
RECORD DE FRANCE
Total - 110 kg : 892,5 kg
INTERVIEW
( réalisée par Emmanuel Legeard ( www.emmanuel-legeard.com ) pour la revue Le Monde du Muscle 2004 )
E.L. : Tu
as cette double particularité d’être le meilleur tireur français, avec 350kg au
soulevé de terre, et de t’occuper des jeunes de la fédé. A ton avis, quelle est
la proportion réelle de jeunes, à chaque génération, qui sont capables de
renouveler ton exploit ?
R.P. :
C’est vrai que je partage la charge de l’équipe de France junior avec Cyrille
VAILLANT, qui était international junior et qui est kiné, aujourd’hui. C’est la
3ème saison qu’on fait ça, et j’espère que ça va durer encore un bon
bout de temps, parce que c’est passionnant ! Pour ce qui est de la
proportion de jeunes, aptes ou non, à renouveler la performance, il est
difficile de répondre. Rien n’est impossible, et j’ai évidemment l’espoir que
cette barre sera dépassée. Pourquoi pas cette année, par André PEETERS, par
exemple ? De toute façon, réussir une belle barre – quel que soit le mouvement –
ça demande des années d’entraînement construit. A chaque génération, il
y a des athlètes doués qui ne demandent qu’à s’épanouir et battre des records.
Mais souvent le temps manque, et l’on ne peut pas tout faire ! Pour
énumérer les paramètres qui interviennent dans la réussite d’une barre, il faut
citer d’abord le potentiel physique, ensuite la santé générale, un moral à
toute épreuve, un entraînement bien structuré en qualité et bien dosé, une
technique adaptée à l’individu, et enfin : suffisamment de temps !
Tout ça sans oublier le facteur chance qui fait que la compétition tombe
justement le jour où l’on est en pleine possession de ses moyens et que le maxi
va passer.
E.L. : Je déplore tout le temps le fait que de
soi-disant entraîneurs laissent les jeunes espérer qu’on peut tout avoir tout
de suite, s’ils ne les poussent pas carrément à la précipitation, d’ailleurs.
Combien d’années t’aura-t-il fallu pour atteindre la barre des 350 ?
R.P. : J’ai commencé en 1992 avec 272,5 et j’ai
réussi 350 en 1999. Mais je tiens à préciser que j’ai changé de catégorie
passant de 90 à 110 kilos. Il faut du temps pour réussir des barres, du travail
intelligent et de l’abnégation. Je prends souvent l’exemple suivant : une
maison ne se construit pas en partant de la charpente mais des fondations ;
la force, c’est pareil. Construis-toi d’abord un physique, un mental
et une technique, et après seulement, pousse ! D’un point de vue
strictement pratique, il est toujours plus facile pour un pédagogue de laisser
espérer le jeune qui commence la force. Parce qu’il ne peut pas lui jeter en
pleine face : « Bon ! tu veux faire des barres ? OK. Cela
va prendre des années, et tu vas en baver, tu vas sacrifier des heures avec une
barre moletée, tu gagneras pas grand-chose, mis à part un bout de ficelle avec
un bout de métal au bout et pour couronner le tout, à la fin, tu t’apercevras
que c’est la barre qui a eu le dernier mot.. » Si tu veux avertir les
mômes de ce qui les attend, tu caricatures, même quand tu t’imagines coller à
la réalité : il vaut mieux les laisser découvrir par eux-mêmes.
L’apprentissage de la force, c’est un véritable cheminement intérieur, une
expérience. Un tao. C’est pour ça que la force est irréductible à quelque
caricature que ce soit. Elle est plus et autre que cela : ce qu’elle
apporte est infiniment plus important, même que le sport. La force est une
formidable école de la vie, elle permet de se construire patiemment, et avec
sûreté.
E.L. : Le Terre fait intervenir encore plus de
groupes musculaires que le squat. Penses-tu qu’il soit aussi plus traumatisant
et crois-tu qu’il faille deux fois plus de temps de récupération pour le terre
que pour le squat et le bench, voire faire alterner une semaine lourde avec une
légère, à raison d’une séance par semaine, si on pratique le squat en plus, qui
entame les réserves d’une bonne partie du Terre ?
R.P. : A dire vrai, je ne pense pas que le
Terre soit plus traumatisant que quoi que ce soit d’autre : là comme
ailleurs, le traumatisme provient souvent d’une mauvaise exécution technique et
d’une surcharge au niveau de l’entraînement. De toute façon, tout sport
pratiqué à haut niveau est traumatisant. Après tout, on pousse quand même son
corps à ses limites ! Le tout est de bien répartir tout ça. Avec le temps,
mon entraînement a considérablement évolué, relativement au terre. Au début,
j’en faisais 2 fois par semaine et je me suis explosé ! Et puis, j’ai
rencontré Marc VOUILLOT et je me suis limité à une fois par semaine. Mais
j’étais tiraillé par l’idée que je n’en faisais pas assez. J’ai rajouté une
séance de travail du dos à base de terre partiel (je suis monté à 400 kg. avec
la barre aux genoux), de barre fixe et de travail à la chaise romaine et ce qui
devait arriver, fatalement, arriva : surentraînement !
Finalement,
je me suis limité à une séance par semaine en respectant le principe du travail
pyramidal tel que l’enseigne Marc VOUILLOT. Mais j’ai quand même gardé l’idée
d’une séance de renforcement très légère pour le dos (barre fixe et banc à
lombaires).
E.L. : Beaucoup de gens très compétents m’ont dit
que le partiel était superflu. Marc a évoqué la possibilité – dans mon cas
personnel – d’y substituer des statiques, « pour voir », et
Jean-Pierre Brulois m’a suggéré de plutôt faire le contraire, c’est-à-dire des
soulevés de terre surélevés. Pourtant, en théorie pure, ça devrait aider à
mieux verrouiller ou à « huiler » les passages critiques. Mais,
mécaniquement, si j’en crois des gens qui en savent plus long que moi, ça ne
tient pas la route. Explique-nous pourquoi.
R.P. : J’ai tenté le partiel et cela n’a pas marché
pour moi. Mais, après tout, il y aura peut-être un type, un jour, pour
qui ça va se révéler efficace. Les gens sont tous différents. Qu’ils fassent
donc ce qui leur réussit le mieux. Toutefois, il faut être bien clair :
s’il n’existe pas d’entraînement unique, il existe avec certitude une base
générale. Car tout programme doit avoir la même logique : on apprend
d’abord le mouvement de façon technique, on comprend les principes de
programmation annuelle, on assimile les règles de l’entraînement en force. Pour
moi, le terre c’est une simple accélération, le poids est au sol, on se place
(dos droit, notamment), on donne une impulsion des jambes, et quand la barre
est à mi-cuisses, le dos se redresse ! Le terre, c’est d’abord un
rythme. Un « mouvement » au sens musical du terme. Au terre, le
mouvement est réussi quand il y a, comme dans une symphonie, une accélération
dramatique du tempo, avec un CRESCENDO en puissance, du grave vers l’aigu.
Lorsque l’on est en stage avec les juniors, on insiste beaucoup avec Cyrille
sur une bonne technique et la notion d’accélération. Dans un entretien qu’il
avait accordé à Jean TEXIER, Marc VOUILLOT expliquait qu’un mouvement de force
est un mouvement rapide, même si la barre ne monte pas rapidement. C’est exact,
le terre est un mouvement rapide. Il faut toujours avoir à l’esprit l’impératif
d’ACCELERER ! Quant au statique, a
priori , je n’ai rien contre. Dernièrement, j’ai eu André PEETERS au
téléphone et il tente justement le statique.
E.L. :
J’ai bien peur qu’en l’absence de toute connaissance mécanique du corps et d’un
entraîneur vraiment compétent, de plus en plus de gens singent le style sumo,
pour le principe, parce que « ça fait pro » et qu’ils ont vu ça dans
les revues. Je crois qu’ils s’imaginent que le sumo aurait remplacé le
traditionnel chez les pros, ou quelque chose dans le genre. Or, les trois plus
gros deadlifters français, Rémi Pronier (C:350
kg), Jean-Pierre Brulois (E :350 kg), et Lucien DeFaria (E :300 kg)
ont tiré en traditionnel. Les trois plus gros deadlifters mondiaux, Gary Heisey
(WPA, 420 kg), Ed Coan (IPF, 409 kg), et Andy Bolton (WPO, 423 kg et 3x402,5),
le jeune loup de la nouvelle génération, ont toujours tiré en traditionnel.
R.P. : Au début j’ai « singé », comme
tu le dis si bien, et j’ai tiré en sumo. Puis un jour j’ai fait le bilan des
mes points forts et de mes points faibles (manque de souplesse au niveau du
bassin et des chevilles notamment) et je me suis tourné vers le traditionnel,
car c’était le style qui me convenait le mieux. J’y avais de meilleures
sensations. Je retrouvais les sensations du saut en longueur à savoir cette
« musique » des 3 derniers appuis et de l’impulsion. Bref, on en
revient à une bonne position et la notion d’accélération. Faire du sumo à tout
prix, quitte à le faire n’importe comment ? Très peu pour moi. L’éducateur
doit pouvoir proposer les 2 styles lors de séances d’initiations, décrire les 2
gestes techniques afin d’éclairer le jeune sur le choix qu’ils seront amenés à
effectuer. Pour moi le terre sumo se décompose en 2 techniques
distinctes : le demi sumo et le sumo. Le demi sumo est à mi chemin entre
le traditionnel et le sumo en ce sens que les pieds sont écartés comme au sumo
(mais de façon moins prononcée) mais l’angle tronc-cuisses est pratiquement le
même qu’au traditionnel. Pour réussir dans ce style, il faut maintenir le plus
longtemps possible cet angle en poussant sur les cuisses et, lorsque cette
poussée est accomplie, le dos prend le relais ; On peut rapprocher ce
style dans sa première phase de la première phase de l’arraché ou de l’épaulé
(on y a beaucoup insisté lors du brevet d’état). Le sumo « prise
large » est différent dans le sens que l’angle tronc-cuisses varie peu,
l’athlète pousse sur les cuisses et le tronc ne bouge pratiquement pas. C’est
très esthétique, je me rappelle un jeune Taiwanais de 16 ans qui en moins de 60
kg a réussi 280, c’était super… Mais voir aussi un MESZAROS réussir 400 en
traditionnel, cela décoiffe, on a plus l’impression de force brute.
E.L. : Quelles sont les particularités
anatomiques qui justifient qu’on adopte tel ou tel style, le poussé, le tiré,
le poussé-tiré, le départ hanches hautes/hanches basses, buste droit/buste
penché, etc. etc. ?
R.P. : Je suis assez réticent à cataloguer telle
particularité anatomique pour tel style. J’en reviens à ce que j’ai dit
précédemment, l’éducateur propose les deux styles ; l’athlète les teste
et, en fonction du ressenti, ils pourront opter pour tel ou tel style. Mais il
faut quand même reconnaître que le style sumo nécessite une plus grande
souplesse du bassin. La question du départ hanches hautes/hanches
basses est cruciale : j’estime que le départ de terre doit toujours
s’effectuer hanches hautes. J’en reviens toujours au saut en longueur
ou au saut en hauteur : l’impulsion s’effectue hanches hautes et non
hanches basses ! Et je pense que le terre, particulièrement en
traditionnel, se décompose en impulsion et relais du dos. En
traditionnel, le buste est penché un peu plus qu’en demi sumo, mais on garde le
même angle pendant la première phase du mouvement.
E.L. : Comment définirais-tu ton style et
comment le décrirais-tu, en donnant la largeur de ta position de pieds, la
largeur de ta prise, tes points d’appui visuel, comment tu négocies le passage
des genoux et celui de mi-cuisses ?
R.P. : Mon style est tout simplement dicté par
l’analyse personnelle des mes défauts, de mes qualités, et de mon vécu sportif.
Je prends largeur de pieds égale à la largeur du bassin, la prise des mains est
supérieure à la largeur des épaules et mon point d’appui visuel est droit
devant. J’avais adapté avec bonheur mon style à mon manque de souplesse
général : en effet je faisais rouler la barre vers mes tibias et au moment
où la barre arrivait sur les tibias, je tirais sur la barre. Je donnais une
grande impulsion comme si je voulais décoller du sol , paradoxalement j’avais
la sensation que mes pieds s’enfonçaient dans le sol, et lorsque la barre était
au dessus des genoux, mon dos prenait le relais. Durant la 1ère
partie du terre , mon dos n’intervenait que pour respecter l’angle du départ. J’en
ai discuté souvent avec Fred GANDNER et Cyrille VAILLANT, et on arrivait à la
conclusion que la barre devenait un point d’appui et c’est exact que lors de
mon terre à 350 , je me suis « appuyé » sur la barre pour
« passer » dessous ! Cela peut paraître dingue mais
c’est la sensation que j’ai eu ! Ce n’était pas très esthétique mais
efficace et j’arrivais à optimiser au maximum mes points forts. Ma plus belle
barre a été 350 kilos et cette barre a été facile, car sa réussite n’a été que
la combinaison de paramètres parfaitement identifiés : bonne impulsion,
bonne accélération. Il aurait pu y avoir 5 kg ou 7,5 kg de plus, le résultat
aurait été le même !
E.L. : Je vois beaucoup de pratiquants, jeunes
et moins jeunes, qui font mal le blocage. Ils négligent de prendre une bonne
inspiration, de verrouiller une cambrure solide, mais sans excès, et de
contracter la sangle abdominale avant de donner l’impulsion de départ. Il me
semble que c’est assez risqué, pour le rachis vertébral en flexion, évidemment,
mais aussi pour la sangle abdominale ; aussi bizarre que ça puisse
paraître à un néophyte, c’est là que je me suis blessé au terre, il y a
quelques années. Comment faudrait-il s’y prendre pour que la forme soit idéale
avant le départ ?
R.P. : Là, tu touches du doigt le secret de
l’impulsion au Terre : la position de départ. C’est comme un sprinter qui
a une mauvaise position dans ses starts.
Il aura beau pousser, la transmission de la force ne se fera pas et il se fera
griller par un moins puissant mais qui aura su transmettre correctement la
puissance. Pour répondre précisément à ta question : il faut prendre une
bonne inspiration, respecter sa cambrure normale et, bien sûr ! contracter
sa sangle abdominale.
E.L. : Quand on te voit à 350, on a
l’impression que tu es l’exacte incarnation de ce que les psychologues du sport
appellent « l’attention interne-étroite », entièrement concentrée sur
la proprioception des sensations internes : cinesthésiques et
cœnesthésiques. Particulièrement, tu as le regard « tourné en
dedans ». A quoi penses-tu quand tu tires une barre pareille ?
R.P. : Tu as raison, ce que je retiens de mes
perfs, c’est surtout des sensations du style « Wouaouh ! comme
c’était rapide ! » Pour être plus précis je voulais que toute mon
énergie soit transmise le plus rapidement possible dans un seul but :
monter la barre. Quand j’ai tiré sur 350, je ne pensais qu’à une chose : le
plus vite en haut ! et j’étais prêt à crever plutôt que de rater !
On s’entraîne comme des dingues pendant des années pour ces moments-là !
et lorsqu’on y est, c’est pour gagner.
E.L. : Les avis sont partagés en ce qui
concerne l’intensité à mettre dans les exercices d’assistance. Il semblerait
que ce soit là moins un problème, objectif, de méthode, qu’un problème,
subjectif, de tolérance à la surcharge d’entraînement, et de capacité de
récupération. Marc Vouillot conseille de « ne pas se crever
l’influx », et d’éviter de mettre dans les exos d’assistance autant
d’intensité que dans les trois mouvements. Jean-Pierre conseille la même chose,
et pourtant, en musculation, il aimait bien « taper dedans ». Il me
semble que c’est là une question d’adaptation personnelle, selon qu’on dispose
ou non de beaucoup d’influx ou bien qu’on l’a cultivé très tôt, comme
Jean-Pierre, qui a commencé l’haltérophilie très jeune. Qu’en penses-tu ?
R.P. : Ils ont absolument raison, et c’est un
point important que souligne Marc : garder l’influx, ne pas se surentraîner.
Une bonne performance c’est 50% d’entraînement et 50 % de récupération. Mon
mouvement favori pour le terre était la barre fixe : je faisais plus de 500 tractions
par semaine et, crois-moi ! je n’ai jamais lâché une barre !
Depuis que j’ai 15 ans, j’ai tout le temps travaillé à la barre fixe. Si je
devais refaire mon entraînement, je doublerai les doses en abdominaux ;
A la fin je souffrais du dos, mes abdominaux n’étaient plus assez forts pour
compenser ma lordose lombaire.
E.L. : On voit souvent des athlètes très forts
au Terre adopter, pour la séance d’assistance, une séquence du type : banc
à lombaires, puis rowing penché et enfin rameur à la poulie, chaque fois en
séries de 2x10 + 8 + 6, voire en ajoutant parfois – sur les mouvements où c’est
possible – au bout une série de 4 reps négatives à environ 110% du maxi
(principalement quand ils disposent de 2 « spotters »). Qu’en
penses-tu ?
R.P. : Ce sont de bons exercices mais que
j’exécuterais très léger, sans reps négatives. Le négatif est grand
consommateur d’influx nerveux et demande beaucoup de récupération. Je ne
l’ai jamais pratiqué. Pour l’ordre je préférais rowing penché, rameur poulie,
ensuite le banc, et enfin les abdos. Et ça, une fois par semaine, en
travaillant absolument léger.
E.L. : Paradoxalement, on sous-estime la force
des biceps au Terre, et pourtant les biceps sont essentiels à tous les
mouvements tirés. Leur travail est souvent exclu de la liste des exercices
d’assistance. Pourtant, ils sont tellement importants au Terre, que beaucoup de
lifteurs se sont déchiré le biceps au soulevé de terre. Je me souviens
particulièrement de Steve Wilson, le grand champion américain des années 70,
qui s’est claqué le biceps droit sur 350, mais a tenu à terminer le mouvement
quand même. Qu’en penses-tu ?
R.P. : Que c’est absolument vrai. Moi, j’ai vu
François KALIC faire exactement la même chose que Wilson. Il s’est déchiré le
biceps à Monde 98, et il a quand même remonté la barre. Il est donc légitime de
soutenir que le travail de biceps est important : on peut l’incorporer en
travaillant à la barre fixe, comme cela on fait d’une pierre deux coups :
les biceps et le dos.
E.L. : Quasiment tous les grands lifteurs qu’il
m’a été donné de rencontrer m’ont affirmé que, en tant qu’assistance au terre,
le « good-morning » ne sert à rien. Evidemment, ils savent de quoi
ils parlent. Donc je les crois. Mais je ne peux pas m’empêcher de me demander
pourquoi le « good morning » ne marche pas. Après tout, le banc à
lombaires exerce les lombaires et les fessiers, tandis que le « good
morning » exerce les lombaires et les ischios. Sacro-lombaires, Grands
fessiers et Ischio-jambiers sont tous trois des muscles moteurs. Il serait donc
légitime de penser que good-mornings et banc à lombaires sont complémentaires,
non ? Comment cette différence d’efficacité se justifie-t-elle
anatomiquement ? As-tu jamais fait toi-même des
« good-mornings » ?
R.P. : J’ai tenté une fois du
« good-morning », il y a fort longtemps, et j’ai eu tellement mal aux
ischios que je me suis juré de ne
jamais plus le refaire ! Le « good-morning » ne m’a jamais
rien apporté ! Je préférais le banc à lombaires avec un disque tenu, bras
croisés, sur la poitrine. D’abord, il faut le dire brutalement :
le « good morning » n’est pas
un exercice d’assistance pour le terre. C’est un mouvement à part entière, et
un mouvement concurrent du terre. Léger, il ne sert à rien. Lourd, il est
dangereux. Et si tu fais à la fois du « good-morning » lourd et du
terre, c’est plutôt « good-evening ! » qu’il faudrait
dire : ton terre, tu peux clairement le diviser par deux. Ce mouvement ne
survit que parce qu’il y a encore des gars qui s’imaginent qu’ils vont
améliorer leur terre en faisant du « good-morning » à partir de
l’horizontale, alors même que sur un bon terre, on n’a jamais cette
position ! Si tu réfléchis bien, tu t’aperçois que le
« good-morning » 1°) travaille les ischios en extension parce qu’on a
les jambes tendues et le bassin fixé – c’est pas bon, 2°) déplace le centre de
gravité dans le dos, alors que dans un exo d’assistance efficace, il devrait
être devant, sinon il accentue la lordose lombaire, ce qui est le contraire de
ce que recherche un lifteur, 3°) ne localise même pas aux lombaires, ce qui
devrait être son intérêt, du moins, en théorie… L’exercice idéal doit avoir le
centre de gravité devant, et localiser aux lombaires sans accentuer la lordose,
comme sur un travail correct à la chaise romaine d’où on aurait banni des
absurdités du type haltère dans le cou et où l’on veillerait à respecter un
enroulement et un déroulement du buste en 3 temps, et à tenir la position 2
secondes, sans jamais se cambrer excessivement en fin de mouvement. Même en
déverrouillant les jambes pour adopter une position
« quart-de-squat » quand le buste est penché et en évitant
l’hyperextension du rachis aux niveaux lombaire et cervical, ce qui serait bien
la moindre des choses, je ne pense pas qu’on puisse tirer parti du
« good-morning » pour améliorer son terre.
E.L. : Parlons maintenant de la prise, un autre
paramètre, trop souvent négligé, qui me semble pourtant crucial. Je me souviens
d’avoir vu, sur une vidéo « Powerlifting USA », comment les 360
glissaient systématiquement des mains de Fred Hatfield, faute d’une bonne
prise, alors qu’il disposait pourtant d’une force considérable dans le dos et
les jambes (il avait quasiment fait la demi-tonne au squat et détenait 30
records du monde dans 4 catégories différentes).
R.P. : Il faut avoir une bonne prise, car il
faut pouvoir tirer ou pousser sans penser à ses mains. Souvent, j’essaie de faire
passer le message aux juniors que les bras ne sont que de simples câbles de
traction terminés par deux crochets : les mains. L’idéal est d’avoir une
prise assez ferme pour pouvoir se payer le luxe de, justement, oublier sa prise ! Ainsi, on a
l’esprit libre et l’on peut se focaliser exclusivement sur la phase d’impulsion
des jambes et le relais pris par le dos. Tout exercice améliorant la poigne ne
peut être que bénéfique. J’en reviens à ce que je disais précédemment : la
barre fixe est excellente pour la poigne !
E.L. :
Quels seraient les conseils, aujourd’hui, que tu donnerais à quelqu’un qui
voudrait se lancer dans la Force Athlétique ? Quelles seraient tes
recommandations ?
R.P. : En
premier lieu, c’est au 3ème essai qu’on ramasse ses adversaires, au
terre. Donc il vaut mieux avoir la condition pour tenir une compétition de
force athlétique. Pour obtenir une condition performante, il serait indiqué de
faire des sprints et du multibond hors saison pour l’explosivité, des
assouplissements, ainsi que de l’haltéro, pour la coordination. Mais le
culturisme n’est pas à négliger non plus, pour le renforcement général et la
meilleure connaissance du corps qu’il permet de développer. En second lieu, il
faut aller chercher les gens qui savent. Avoir connu Marc VOUILLOT, c’est une
chance qui m’a évité de commettre bien des erreurs. Ensuite, il faut être
patient, écouter son corps, savoir doser l’entraînement, apprendre de chaque
échec, toujours se remettre en question. Mais ça n’est possible qu’à condition
de garder l’esprit constamment en éveil. Par exemple, j’ai trouvé la
préparation au BE particulièrement stimulante, grâce, notamment, à l’aide d’A.
Lachèze. Si je pouvais revenir en arrière, je modifierais mon entraînement en
incluant toutes les connaissances anatomiques et physiologiques acquises lors
du BE Hacumese, et j’en profiterais pour réorganiser toute ma progression sur
l’année en incluant des cycles avec du terre tous les 15 jours, puis un autre
cycle avec un terre lourd, puis léger. J’encourage les jeunes à passer le
brevet. Le fait d’être un excellent athlète ne dispense nullement d’acquérir
une base théorique.
E.L. :
C’est ce que Marc VOUILLOT a fait.
R.P. : Absolument ! Ce qui fait que Marc
VOUILLOT est « la » référence de la force en France, c’est qu’en plus
d’avoir été un excellent athlète, il est aussi BREVETÉ D’ÉTAT ! La
combinaison de son expérience et de ses connaissances fait de lui un
extraordinaire pionnier, puisqu’il a clairement contribué à sortir
l’enseignement de la force de la tradition orale. Malheureusement, le reste n’a
pas toujours suivi. On doit aujourd’hui passer à la vitesse supérieure !
Nous comptons parmi nous des athlètes présents et passés qui sont psychologues,
médecins, kinés, ou coaches internationaux, comme Marc, qui a même fait des
champions du monde américains. Il faut pouvoir les réunir afin que l’on couche
sur le papier des méthodologies d’entraînement en direction du public.